mardi 29 décembre 2015

Bons baisers d'Écosse


C'est une passion qui dure depuis une bonne dizaine d'année : les scotch ales. Ces bières brunes, aux importants sucres résiduels, au goût plus ou moins prononcé de caramel, à la robe rubis foncée, parfois légèrement fumée et pour mon plus grand bonheur souvent vieillie en fut de chêne. Dix ans plus tard, je l'ai fait : j'ai brassé ma première scotch ale vieillie sur chêne.

Comment brasser ce style



  • Empâtage à haute température (68-69°C)
  • Malt principal anglais (je n'utilise que ça de toute façon) et assortiment de malts secondaires : 
    • Malt chocolat
    • Orge rôtie (non-malté) - technique traditionnelle écossaise
    • Orge fumée (pour n'ajouter qu'un arrière-goût subtil) en petite quantité
  • Une levure anglaise (juste la levure avait déjà un parfum de scotch ale) (avec un starter d'au moins 500ml)
  • Une longue deuxième fermentation (traditionnellement, mais ce n'est pas ce que j'ai fait)
  • Un long conditionnement en bouteille 

Pour ce qui est du vieillissement en fut, je n'ai avais pas sous la main, alors j'ai fait avec ce que j'ai pu : 15 grammes de copeaux de chêne français (mélange maison de copeaux à des degrés différents de torréfaction), trempé dans un scotch 15 ans durant 2 mois.

Pour ce qui est du houblon, j'ai utilisé ce que j'avais sous la main, ce que j'adore, et non un houblon traditionnel. De toute façon, il n'est essentiellement là que pour l'amertume.

La recette des « Bons baisers d'Écosse»


(pour 10 litres, 9.8%)

Les ingrédients


  • 3 kg de Maris Otter
  • 50 gr de malt chocolat
  • 50 gr d'orge rôtis
  • 50 gr de malt d'orge fumé (Bamberg)
  • 500 gr de sucre candi ambré (pour une finale mince malgré le sucre résiduel)
  • 51 gr de houblon Amarillo (8.5 AA) (60 minutes d'ébullition)
  • 1 fiole de levure White Labs "English Ale" (WLP 002) - starter de 500ml
  • 15 gr de copeaux de chêne vieilli dans du scotch 15 ans

Le protocole de brassage


  1. Empâtage à 69°C durant 45.
  2. Ébullition 60 minutes 
  3. Transfert dans une tourie de 12 litres
  4. Ensemencement de la levure (starter de 500 ml)

Fermentation


Primaire 3 semaines
Secondaire 1 semaine (avec les copeaux)
Conditionnement primaire à 24°C durant 6 semaines (incomplet)
Conditionnement secondaire à 4°C durant 1 mois (à venir)

Dégustation

Elle ne semble pas claire, mais elle l'est...

La bière que je décris n'a eu qu'un court conditionnement en bouteille, à peine 3 semaines.

Visuel : 


  • Limpide (malgré ce qu'on voit sur la photo)
  • Col généreux, blanc cassé, tombe rapidement
  • Rubis foncé

Au nez : 


  • Malt intense
  • Léger fumé
  • Prune
  • Boisé, chêne

Au palais : 


  • Effervescence faible, aux limites du style (mais elle est jeune encore)
  • Amertume légère
  • Houblon presque absent
  • Malt riche, enveloppant
  • Chêne présent, mais ne prend pas le dessus
  • Attaque ronde en bouche, finale mince et sèche
  • Alcool présent, harmonieux (9.8%!)

Impression générale : 


Une bière d'exception. Son court séjour au contact du chêne lui a laissé un arôme magique. La combinaison des malts, particulièrement du malt fumé, vient se marier avec douceur contre le goût surprenant du scotch et du chêne. Une bière que j'ai hâte de goûter une fois qu'elle aura atteint sa maturité (quelques mois).

42/50


Références : 


  • Description du style : Beer Judge Certification Program
  • Techniques de fermentation et conception de la recette : 
    • Clone brews, Tess & Mark Szamathulski, Storey, 2010
    • Scotch Ale, Gregory J. Noonan, Brewers publications - Classic Beer Style Series, 1993
    • The Oxford companion to beer, Collectif d'auteurs, Oxford university press, 2012


mardi 22 décembre 2015

Brassage 101 : s'équiper pour 45 $

Je me suis demandé : quel serait l'équipement minimum pour brasser une première bière? J'ai bâti une première liste, idéale, et le coût était juste au-dessus de 100 $. Je n'étais pas satisfait, alors j'en ai fait une deuxième et je suis fier de dire que vous pouvez brasser chez vous pour aussi peu que 45 $!

Avertissements


  • C'est un minimum absolu, vous pouvez brasser une bière dans ces conditions, mais le résultat risque d'être loin de vos espoirs (par contre, selon le style de bière vous pourriez être étonnés. Exemple : c'est parfait pour la bière crue!)
  • C'est très discutable comme choix, ce sont les miens, pas les vôtres nécessairement.
  • C'est pour quelqu'un qui voudrait se lancer sans savoir trop s'il va aimer ça, pas pour quelqu'un qui sait qu'il veut se lancer dans le brassage.
  • C'est pour un brassin d'un gallon (~ 4 litres) qui passe de la fermentation primaire à la bouteille.
  • J'ai dû faire des concessions pour arriver à un prix si bas, mais je serai honnête et l'avouerai lorsque viendra le moment
  • C'est aussi du 1 gallon parce qu'à mes yeux, personne ne devrait se faire dire qu'il devrait commencer par des kits ou par des recettes avec extraits


Ce que j'assume que vous avez sous la main


  • Un chaudron d'une capacité minimale de 8 litres (avec couvercle)
  • Une passoire (un chinois fin serait encore mieux)
  • Une balance précise au gramme près
  • Un entonnoir
  • Un vieux T-Shirt (pour bloquer la lumière. Facultatif si le cruchon est en verre brun ou si vraiment vous allez être discipliné et conserver la fermentation dans un lieu sombre en tout temps)
  • Accès à une source d'eau potable
  • Un thermomètre alimentaire
  • Des bouteilles


Exemple d'un kit de départ à 40 $

Ce dont vous aurez besoin 


  • Un cruchon d'un gallon en verre (qui fera office de fermenteur)
  • Un bouchon pour aller sur le cruchon, troué pour le prochain morceau d'équipement
  • Une bonde aseptique (c'est ce qui permet d'isoler la bière en fermentation du monde extérieur qui est rempli de méchantes bibittes qui veulent la transformer en autre chose que votre rêve)
  • Une canne de transfert, du tuyau de vinyle et une pince pour arrêter le flot de liquide (c'est ce qui sert à passer du cruchon à vos bouteilles)
  • Une capsuleuse
  • Des capsules - attention, c'est une dépense récurrente
  • Un produit pour assainir votre équipement et vos bouteilles - attention, c'est une dépense récurrente


Un peu d'honnêteté


Cet équipement représente le strict minimum. Vous pouvez brasser de la bière avec ça, mais quand même, par souci d'honnêteté, je préfère vous indiquer que vous pourriez vouloir :


  • Un sac de brassage (au lieu de la passoire)
  • Un remplisseur de bouteille (remplace la pince pour arrêter le flot de liquide)
  • Un produit nettoyant pour l'équipement (un produit magique qui décrassera vos bouteilles, vous facilitera le retrait de leurs étiquettes et qui vous permettra, surtout, de ne pas vous demander durant des jours comment vous aller réussir à nettoyer l'intérieur de votre cruchon après la fermentation) - attention, c'est une dépense récurrente. 
  • Un auto-siphon. Ce n’est absolument pas nécessaire, mais vous n'aurez pas à siphonner à la bouche le liquide pour le transférer en bouteille. 
  • Une tourie 10 ou 20 litres au lieu du cruchon, parce que faire un brassin de 10 bouteilles c'est bien, jusqu'au jour où les amis veulent goûter! (si vous faites ça, vous aurez aussi besoin d'un chaudron de 20-30 litres!)
  • Un densimètre! (Sinon vous ne connaîtrez jamais le taux d'alcool de votre bière et vous serez obligé de deviner quand elle est prête).


Si vous ajoutez tout ça, la facture passe autour de 100 $, mais vous n'aurez pas à acheter d'équipement pour un p'tit bout.

Je vais vous revenir sous peu avec un guide d'utilisation pour tout ce bel équipement avec un beau photo-roman.


En passant, j'ai magasiné sur ce site pour les calculs et n'ai pas tenu compte des coûts de transport (tout ça se trouve généralement localement)

lundi 21 décembre 2015

Designer une bière pour une occasion spéciale


Dans le cadre de la livraison d'un gros projet au travail, on m'a suggéré de brasser une bière pour souligner l'occasion avec tous les collaborateurs. L'exercice s'est avéré plus difficile que je l'avais imaginé.


À la quête de l'essence d'une bière


Pour designer cette bière, au lieu d'aller à la recherche d'un goût particulier, j'ai voulu tout d'abord trouver son essence, sa raison d'être. C'est une bière qui servira à souligner un moment important, un projet sur lequel - collectivement - nous avons passé des milliers d'heures. C'est une bière qui devra plaire à un maximum de gens, pas tous amateurs avertis. Ça doit être une bière qui rappelle les efforts du projet et ses artisans.

Voici donc les buts que je me suis fixés :


  • Elle doit être une bière accessible, qui puisse plaire aux fins connaisseurs et aux buveurs de bières commerciales
  • Elle doit être représentative de l'effort collectif, des différentes compétences requises pour arriver à livrer le projet.


Une bière accessible


En partant, une bière a plus de chance d'être accessible si elle est pâle. Une blanche, une blonde ou une ambrée. Dès que c'est trop foncé, les gens font des amalgames et j'ai trop entendu « ah moi, les bières foncées, je n’aime pas ça ». Ils n'essayeront souvent même pas.

Le taux d'alcool aussi est important. Étrangement, à mes yeux, beaucoup de gens n'aiment pas les bières dites « fortes ». En haut de 6.5°, j'ai des chances de perdre l'intérêt de certains collaborateurs.

L'amertume est aussi un enjeu. Je veux quelque chose qui a un peu de chien, sans être une bombe d'amertume. Un côté fruité est généralement un plus lorsqu'on s'adresse à des non-buveurs de bière.

Une bière qui a du sens


Au total, c'est une centaine d'artisans qui auront, à un moment ou un autre, travaillé sur le projet. J'ai donc considéré ça en composant ma bière. Il y a eu des analystes, des conseillers marketing, des conseillers UX, des programmeurs, des graphistes, des gens de communications, des gens de traductions, des avocats et il y a eu moi : le rédacteur.

C'est une bière qui doit prendre des éléments tous azimuts pour les réunir dans un amalgame qui a du sens.


La Collaboration - Une Pale Ale belge (quelque peu internationale)


J'ai opté pour une Pale Ale belge aux ingrédients internationaux. Ce sera une bière à peine ambrée (11 SRM), tirant environ 5.5°, au bas de l'échelle d'amertume pour le style (23 IBU). Ça devrait être une bière assez accessible.
Transfert en tourie pour fermentation!

Où est l'international là-dedans et pourquoi? Les grains sont anglais et allemand, la levure et le sucre candi belges, les houblons sont américains/néo-zélandais/japonais/canadien et le savoir-faire Québécois. Ça représente les différentes compétences, les origines différentes des collaborateurs.

Tous les houblons seront ajoutés qu'à 10 minutes de la fin de l'ébullition, pour souligner le sentiment d'urgence de ce projet fait en un temps record. Ça lui donnera aussi un côté floral et une amertume toute en douceur. Le houblon devrait apporter un parfum de pin, de pamplemousse, de mandarine et de fleur printanière.

Finalement, ce sera une bière qui se boira jeune (un mois après le brassage) parce que cette livraison n'est que le début d'une longue aventure qui durera des années.

J'oubliais, c'est aussi une levure belge parce que j'aime brasser des Belges.

Je vous reviendrai dans le prochain mois avec la recette et le résultat.

samedi 19 décembre 2015

Dégustation d'une IPA crue


Dix jours après avoir brassé mon IPA Américaine CRUE, c'est enfin le moment tant attendu de la dégustation.

Visuel : 

L'éclairage un peu sombre ne rend pas justice au jaune

  • Voilée. Encore une fois le dépôt au fond de la bouteille est imposant et il est difficile de ne pas se retrouver avec une bière trouble (surtout dans ce format 330 ml) en la versant. Le dépôt est trop jeune pour rester en place.
  • Col blanc généreux, persistant. Laisse de jolis lacets sur le verre. 
  • Jaune. D'un jaune citron (ce qui est explicable par une raison simple : il y en a dans la recette).

Au nez :


  • La levure étant assez neutre, on la sent (parce qu'elle s'est glissée dans le verre sans y être invitée), mais ça ne vient pas cacher le reste.
  • C'est le Amarillo qui prend toute la place, le Citra reste dans un rôle figuratif. Le citron et l'orange se mêlent au pamplemousse du houblon. 
  • Amertume modérée, pourrait être une pale ale.
  • Parfum malté caractéristique du Maris Otter. Très pain grillé, biscotte.

Au palais : 


  • Superbe balance. Le fruité de l'orange, conjugué à une amertume modérée et à un corps léger fait penser à une orangeade pour adulte.
  • Effervescence modérée, tout à fait comme on pourrait s'attendre d'une IPA.
  • Ronde en bouche.
  • Finale légèrement épicée.
  • Floral.
  • Le citron est vaguement présent, mais pratiquement éclipsé par l'orange. La balance des houblons et des agrumes est surprenante.
  • On a l'impression de boire une session alors qu'elle fait 6.8°. Bière nécessaire traite.


Impression générale : 

Excellente bière. L'IPA semble aller à merveille avec le brassage cru. Balance merveilleuse, malgré un manque d'amertume pour aller avec le style. Je pourrais la rebaptiser Pale Ale Américaine et on n'y verrait que du feu.

Conclusion : 

Le fait que l'IPA doit être consommée jeune pour être à son meilleur et que c'est aussi le cas de la bière crue en fait sans doute une référence pour mes prochains brassins : me concentrer sur les styles de bière demandant peu ou pas de vieillissement.

Alors que mon premier essai de bière cru n'est toujours pas à maturité, cette bière est passée du chaudron à mon verre en 10 jours, ce qui en fait une bière qui peut être brassée 2 semaines avant une occasion et être prête à boire! C'est une corde qui manquait à mon arc.

Je peux vous assurer que je vais rebrasser celle-ci sans apporter la moindre modification. Il ne me reste que 6 bouteilles... alors ce brassage sera sous peu.

mardi 15 décembre 2015

La moustache : une "belgian strong golden ale"


J'aurais bien du mal à faire un top 10 de mes bières préférées, mais chose certaine la Duvel en ferait partie. Cette blonde est l'exemple type du style appelé "Belgian strong golden ale". Après bien des recherches et biens des essais, j'ai réussi à en brasser une bonne.

À quoi ressemble ce style.


La Duvel, je l'ai nommée, représente pour beaucoup la quintessence du style. Avec des accents différents, dans ce même style, j'adore la Piraat, la Lucifer, la Délirum Tremens, La Trappe Isid'or, la Hoegaarden Grand Cru et de par chez nous : la Flacatoune (Charlevoix) et La bière belge forte (À la fût).

Note spéciale concernant la Bière belge forte, c'est ce que j'ai goûté de plus ressemblant à la Duvel (sans l'atteindre, bien entendu).

C'est une bière blonde, dorée, au col généreux qui doit bien cacher son taux d'alcool derrière une texture crémeuse, un arôme floral avec des notes épicées typiquement belges.


Comment brasser ce style


  • Empâtage à basse température (63-65°C)
  • De 10 à 25% de sucre simple (Duvel utilise 76% de malt et 24% de sucre)
  • Un malt très pâle
  • Une levure belge (en fermentation primaire)
  • Un houblon noble (ou plusieurs)
  • Un long conditionnement en bouteille (idéalement) à température contrôlée 

Ce dernier point est à mon sens le plus important. Ce n'est qu'avec un long lagering que j'ai réussi à brasser ce style. Duvel, par exemple, conditionne la bière (avant embouteillage) 3 semaines à une température sous le point de congélation après la fermentation primaire. Une première souche de levure est utilisée en primaire (parait-il la levure de la McEwan's scotch ale) et une seconde lors de l'embouteillage. La bière est embouteillée à 20°, puis refermentée en bouteille à 24° pour 3 semaines, avant de reposer 6 semaines à des températures entre 4 et 6°.

La recette de la moustache!

(pour 10 litres)

  • Je n'ai pas utilisé de Pils comme malt, je n'utilise à peu près que du Maris Otter comme malt de base
  • J'ai ajouté du blé pour la tenu du col
  • Pour des questions de disponibilité, j'ai utilisé un houblon parent du Hallertau

Les ingrédients


  • 2.25 kg de Maris Otter
  • 200gr de blé blanc malté
  • 500 gr de sucre candi clair
  • 12.5 gr de houblon Mt Hood (6 AA) (60 minutes d'ébullition)
  • 25 gr de houblon Saaz (3 AA) (15 minutes d'ébullition)
  • 12.5 gr de houblon Mt Hood (6 AA) (5 minutes d'ébullition)
  • 1 fiole de levure White Labs "Belgian strong ale" (WLP 545) - starter de 500ml

Le protocole de brassage


  1. Empâtage à 65°C durant 75.
  2. Ébullition 60 minutes (avec les ajouts d'houblons mentionnés ci-haut)
  3. Transfert dans une tourie de 12 litres
  4. Ensemencement de la levure (starter de 500 ml)

Fermentation


Primaire 2 semaines
Embouteillage avec 2.5 gr de levure de champagne
Conditionnement primaire à 24°C durant 3 semaines
Conditionnement secondaire à 4°C durant 1 mois

Dégustation
La Duvel et son verre ne sont là que pour figuration


La bière que je décris a 3 mois. Il y a eu peu de changement dans les dernières 6 semaines.

Visuel : 


  • Limpide
  • Col généreux, blanc et persistant
  • Dorée

Au nez : 


  • Houblon subtil
  • Épicé
  • Un soupçon de pomme verte (acétaldéhyde)

Au palais : 


  • Effervescence pas assez marquée, manque de vie.
  • Amertume légère
  • Houblon subtil
  • Malt subtil
  • Mince en bouche
  • Alcool complètement caché (pourtant, elle tire 10%!)
  • Finale fruitée (poire)

Impression générale : 

C'est une excellente bière, mais elle manque de phénols épicés et l'effervescence pourrait être plus présente. Pas de défaut majeur (mis à part de l'acétaldéhyde). Gagnerait à être un peu plus maltée. Le houblon pourrait être un peu plus présent. Se situe entre une Duvel et une Flacatoune.

38/50

Références : 


  • Description du style : Beer Judge Certification Program
  • Techniques de fermentation et conception de la recette : 
    • Clone brews, Tess & Mark Szamathulski, Storey, 2010
    • Brew like a monk, Stan Hieronymus, Brewers Publication, 2005
    • The Oxford companion to beer, Collectif d'auteurs, Oxford university press, 2012
    • Belgian ale, Pierre Rajotte, Brewers Publications - Classic Beer Style Series, 1992


dimanche 13 décembre 2015

Première dégustation de bière crue


C'est encore un peu tôt, mais je ne pouvais plus attendre. Une semaine après l'embouteillage de ce premier brassin, j'ouvre une première bouteille.

Bière crueVisuel : 


  • Opaque.
  • Col généreux, mais peu persistant. Blanc cassé.
  • Beaucoup plus foncée que la recette aurait laissé croire.
  • Énorme dépôt de levure au fond de la bouteille.

Au nez : 


  • Fort parfum de levure. Je n'aurais pas cru à une levure à pain, mais plutôt à une Hefeweizen. 
  • Le houblon se taille une petite place avec une pointe d'agrume. 
  • Fort parfum de blé et de seigle, l'orge est complètement masquée.
  • Peu d'esters.

Au palais : 


  • Effervescence encore trop légère, mais agréable et suffisante pour quelque chose qui s'apparenterait à une doppleweizenbock.
  • Amertume plus prononcée que prévu. J'ai sous-estimé l'isomérisation du houblon lors de l'empâtage lorsque j'ai fait mes estimations.
  • Belle rondeur en bouche.
  • Finale farineuse : est-ce l'effet «bière crue»?
  • L'alcool est présent en bouche, mais se manifeste surtout après avoir avalé où il réchauffe de l'intérieur, laissant une traînée de réconfort jusqu'à l'estomac.


Impression générale : 


Bonne bière, sans plus. Le genévrier est absent. C'est le genre de bière que normalement j'oublierais 2-3 mois minimum et c'est sans doute ce que je vais faire, même si théoriquement c'est la durée de vie maximale d'une bière crue. Définitivement trop jeune.


Conclusion : 


N'ayant pas de référence gustative, il se peut que ce soit un excellent exemple ou encore un exemple raté. Je viens d'embouteiller mon deuxième essai et celui-ci est beaucoup plus prometteur.

Les facteurs de ma déception du jour peuvent être multiples : mauvais brassin, mauvaise recette, trop jeune, style qui n'est pas du tout fait pour moi...

Malgré tout, je suis assez content de mon expérience et vais définitivement commenter mes prochaines dégustations de celle-ci. Après tout, il me reste 9 bouteilles...

jeudi 10 décembre 2015

Bière crue (bis) - Une IPA Américaine - avec un twist

Les bières crues sont généralement des bières artisanales, fermières. Aujourd'hui, j'ai décidé d'essayer de faire un style bien nord-américain : une IPA Américaine... version crue.

Réflexion préalable

•    Après mon premier essai de bière crue, je veux essayer quelque chose en terrain connu - une IPA.
•    Toujours une recette de 4 litres (avec 5.5 litres pour l'empâtage. Lors de mon dernier essai, j'ai eu de la perte avec mon 7 litres).
•    Je vise 5.9 % d'alcool.
•    Ma formulation : OG 1.057 - FG 1.012, 45 IBU, 4 SRM (c'est pâle pour une IPA, mais je n’ai pas envie de mettre d'autre grain - question de goût).
•    Toujours brassé dans un sac (BIAB) vu que la quantité de grains est trop petite pour mon matériel ordinaire.

Les ingrédients

•    1 kg de Maris Otter
•    18 gr de houblon Citra (12.5 AA) (ajouté à l'empâtage - 75 minutes)
•    18 gr de houblon Amarillo (8.5 AA) (ajouté à l'empâtage - 75 minutes)
•    ½ paquet de levure US-05
•    7 gr de pelure d'orange (fraîche)
•    7 gr de pelure de citron (frais)

Le protocole de brassage

1.    Empâtage à 67°C (5.5 litres d'eau) durant 75 minutes avec le houblon et les pelures.
2.    Augmentation graduelle de la température jusqu'à ce que le moût (incluant le grain) atteigne 75°C
3.    Soutirage
4.    Moût refroidi jusqu'à 25°C (le chaudron dans mon évier avec de l'eau glacée)
5.    Transfert dans un cruchon de 1 gallon
6.    Ensemencement de la levure (sèche, directement dans le moût)

Fermentation

Primaire : 5 jours.
Conditionnement : 2 semaines en bouteilles.




Évidemment, on s'en reparle lorsque j'y goûterai!

mardi 8 décembre 2015

Reinheitsgebot : le fameux décret sur la pureté de la bière


Lorsque j'étais enfant, mon père me parlait de cette « loi » avec beaucoup d'admiration. Ce n'est qu'adulte, il y a à peine quelques années, que j'ai su ce que c'était. Et encore! Je n'en avais qu'une vague idée. Aujourd'hui, alors que j'étudie la tradition brassicole allemande, je comprends beaucoup mieux la petite lumière dans les yeux de mon père.

Qu'est-ce que le décret sur la pureté de la bière


C'est un décret ducal promulgué le 23 avril 1516 par le Duc Wilhelm IV de Bavière stipulant que la bière doit être brassée seulement avec de l'orge, du houblon et de l'eau. Il n'est pas question de levure ici, puisqu'elle ne sera « découverte » qu'au 17e siècle.

La raison du décret


Fin du 15e siècle, début du 16e, trois raisons amènent principalement le duché de Bavière à légiférer:

  • Tout d'abord, l'utilisation du blé et du seigle par les brasseurs met en danger l'approvisionnement des boulangers et fait augmenter le prix du pain. Il faut nourrir le peuple si on veut qu'il soit heureux et pour pouvoir percevoir des taxes;
  • Le pouvoir de taxation: en réglementant strictement les ingrédients pouvant entrer dans la composition de la bière, il est plus facile de gérer la taxation de ceux-ci;
  • Le peu de scrupule des brasseurs: les brasseurs mettent un peu n'importe quoi dans leur bière pour augmenter leur marge de profit. Du sucre, des herbes, des champignons, n'importe quoi pouvait être utilisé avant ce décret. Le décret est en fait le plus vieux texte législatif de protection du consommateur toujours en vigueur. 

L'évolution du décret


  • 1516 : décret original.
  • 1548 : une autorisation spéciale est accordée au Baron Montagne Degen de brasser avec du blé.
  • 1551 : premier assouplissement du décret pour permettre l'utilisation du laurier et de la coriandre.
  • 1616 : autorisation du sel, du carvi et du genièvre.
  • Fin du 17e : ajout de la levure aux ingrédients permis
  • 1906 : tout l'empire allemand adopte le décret (et en fait une loi).
  • 1918 : le nom « Reinheitsgebot » fait son apparition. Le décret était jusque là connu comme le « Surrogatverbot » (prohibition d'additif).
  • 1918 : la Bavière impose une condition à son entrée comme état membre dans la république de Weimar : elle doit adopter le décret comme l'empire allemand l'avait fait (il devait y avoir plus d'une condition, mais une seule s'applique à notre sujet).
  • 1923 : L'Allemagne, de son côté, permet l'usage de sucre pour les bières de fermentation haute (ales) et l'interdit pour les bières de fermentation basse (lagers)
  • 1949 : La Bavière insiste de nouveau lorsqu'elle rejoint la République fédérale allemande.
  • 1987 : L'Union européenne, suite à une plainte des Français pour protectionnisme, limite l'application du décret.
  • Aujourd'hui : bien qu'en partie respecté par la majorité des brasseurs allemands, le Reinheitsgebot n'a plus court. Les bières allemandes peuvent être brassées avec n'importe quoi, que ce soit pour le marché intérieur ou extérieur. À une exception près : la Bavière où les brasseurs doivent toujours respecter ce qui n'est ailleurs désormais qu'une vieille tradition de brasseurs. 

La pertinence de ce décret aujourd'hui


Il ne faut pas se faire d'illusion : une loi ou un décret ne fait pas de la bonne bière. Sous une apparente « législation de protection du consommateur » le Reinheitsgebot est avant tout un outil commercial. Il y a toujours eu et il y aura toujours de mauvaises bières, quelles que soient les lois.

Ici même, au Québec, dans les années soixante, nous avons eu notre petit scandale d'additif à la bière...



L'impact de cette loi a surtout été de limiter le nombre de styles de bières produites par l'Allemagne. Il parait qu'enfin, dans les dernières années, les brasseurs allemands se permettent d'explorer de nouveaux genres. Mais en ont-ils besoin?

Tant qu'il y aura des gens pour louer les bières allemandes et qu'il y aura des consommateurs leurrés par la fierté allemande de cette « pureté »... aura eu du bon.




Sources :

  • The Oxford companion to beer, Collectif d'auteurs, Oxford university press, 2012
  • Prost! The Story of German Beer, Horst D. Dornbusch, Brewers Publications, 1997
  • German Beer Institute
  • Wikipedia
  • German Beer Styles Course, Road to Cicerone, Cicerone certification program, 2014


dimanche 6 décembre 2015

Observations sur la fermentation d'une bière crue

Après 5 jours de fermentation, je viens d'embouteiller. En attendant le jour de la dégustation, j'ai pensé revenir sur mon expérience.

La levure à pain


La levure à pain instantanée est vive, très vive. Après 2 heures seulement, la fermentation était active. Après 3 jours,  il n'y avait pratiquement plus d'activité et après 5 jours la fermentation était complétée.

C'est une levure vorace. Je visais 7.1% d'alcool et j'ai embouteillé à ... 11,6%!

Rappel sur les données de ma recette : 

OG 1.063 - FG 1.009, 26.3 IBU, 6.5 SRM

En réalité, ce que j'ai obtenu est : 

OG 1.067 - FG 0.979 - ? IBU (mais après avoir dégusté, ça doit ressembler à ça) et probablement quelque chose comme 15 SRM (mais difficile à dire avec la levure en suspension).

Bref, j'ai formulé ma recette avec une efficacité prévue de 65% et j'ai terminé à 77% (grandement dûe à la levure).


Profil gustatif


Bien sûr, elle est jeune, mais déjà...

  • Fait penser à une dunkelweisse allemande, en version rustique - fermière.
  • Légèrement acide.
  • Le houblon (amarillo) se démarque et vient ajouter une couche de complexité.
  • Plus mince que prévue, mais ce n'est pas étonnant avec la voracité de la levure.
  • Fait davantage penser à un wheat wine qu'à une saison (ce qui était prévu).
  • Le genévrier, pourtant très présent au brassage, s'est perdu complètement.

Ce sont des remarques préliminaires, nous en aurons le coeur net dans deux semaines lorsque j'ouvrirai la première bouteille. À la lumière de ma première dégustation à la sortie du fermenteur : j'ai hâte!


jeudi 3 décembre 2015

Comment brasser une bière crue

Avoir fait toutes mes recherches ne serait pas aussi intéressant si je n'essayais pas de brasser moi-même une bière crue! 

Réflexion préalable

  • C'est une bière traditionnellement fermière, donc un mélange d'orge, de blé et de seigle me semble approprié.
  • Une recette de 4 litres est suffisante, puisque je ne veux pas avoir trop de perte si c'est imbuvable (et puis, si c'est bon, je devrai boire ça rapidement).
  • Je vise 7.1 % d'alcool.
  • Ma formulation : OG 1.063 - FG 1.009, 26.3 IBU, 6.5 SRM (la gravité finale est estimée à l'aveuglette ne connaissant pas l'atténuation de la levure à pain).
  • J'ai choisi de brasser dans un sac (BIAB) vu que la quantité de grains aurait été trop mince pour mon matériel ordinaire.
  • Pour l'extraction de goût et d'amertume du houblon, je me suis basé sur l'information suivante : l'extraction d'un houblonnage durant l'empâtage est à peu près équivalente à celle d'un houblonnage à 10 minutes de la fin de l'ébullition. 

 

Les ingrédients d'un Sahti maison (un peu improvisé)
Les ingrédients

Les ingrédients


  • 1 kg de Maris Otter (grain de base)
  • 300 gr de Blé blanc malté
  • 100 gr de seigle malté
  • 50 gr d'orge rôti (pour la couleur)
  • 19 gr de houblon Amarillo (8.5 AA) (ajouté à l'empâtage - 75 minutes)
  • 5 gr de levure instantanée Fleishman
  • 5 gr de baies de genévrier

 

Le protocole de brassage

L'ajout du houblon
  1. Empâtage à 67°C (7 litres d'eau) durant 75 minutes avec le houblon et les baies de genévrier mélangé au grain.
  2. Augmentation graduelle de la température jusqu'à ce que le moût (incluant le grain) atteigne 75°C
  3. Soutirage
  4. Moût refroidi jusqu'à 25°C (le chaudron dans mon évier avec de l'eau glacée)
  5. Transfert dans un cruchon de 1 gallon
  6. Ensemencement de la levure (sèche, directement dans le moût)

Après 5 jours

Fermentation


Primaire : 5 jours. 
Conditionnement : 2 semaines en bouteilles.

Attention!

Évidemment, je ne détaille pas toutes les étapes normales de nettoyages et aseptisation du matériel... autrement plus importantes dans ce cas-ci! J'assume que vous savez brasser avant de vous lancer dans cette aventure.

On se reparle du résultat au jour de l'an!


N.B. Je vous reviens dans un nouveau billet avec quelques observations post-fermentation.

mardi 1 décembre 2015

Bière crue


J'ai entendu parler de bière crue pour la première fois il y a un mois dans une conférence à LABAQ 2015. Je suis intrigué depuis. Voilà où j'en suis dans mes recherches.

Qu'est-ce qu'une bière crue

 

C'est simplement une bière qui n'a pas été bouillie. Dans de futurs billets, je reviendrai (sans doute souvent) sur les différentes étapes de la fabrication de la bière, mais pour l'instant gardons ça simple en 4 étapes :
  1. L'empâtage : le grain est mélangé à de l'eau plus ou moins chaude pour que l'amidon qu'il contient soit transformé en sucre fermentable (voir étape 4).
  2. Le soutirage : on sépare le grain et le liquide désormais sucré (qui est maintenant le moût).
  3. L'ébullition : on fait bouillir le moût et on y ajoute le houblon.
  4. La fermentation : on ajoute de la levure et celle-ci transforme le sucre fermentable en alcool et CO².
 Donc, dans le cas de la bière crue, on omet l'étape 3, l'ébullition.

Mais pourquoi

 

En fait, la question devrait être inverse : pourquoi faire bouillir le moût ? La bière crue a été la bière fermière brassée durant des centaines d'années (encore aujourd'hui, le Sahti est toujours brassé en Finlande, le Kuduôlu en Estonie et le dricku en Suède). Les paysans apprenaient à faire cette bière simple et perpétuaient la recette de génération en génération. Ce n'est principalement que pour deux raisons que l'ébullition est devenue une pratique courante : la stérilisation du moût et l'utilisation du houblon.

En bouillant le moût, on s'assure qu'aucun organisme pathogène présent dans l'eau ne puisse subsister dans le résultat final. Ce fut particulièrement utile à une époque où l'hygiène publique était douteuse. Il ne faut pas oublier qu'avant que les égouts coulent sous les rues, les rues elles-mêmes charriaient les eaux souillées!

Avant la démocratisation de l'usage du houblon, la bière était parfumée à l'aide de diverses épices dont les saveurs n'avaient pas besoin de chaleur intense pour être extraites. Le houblon par contre ne transfère son amertume qu'avec la chaleur (et le temps exposé à cette chaleur).

À quoi ressemble une bière crue

 

Je n'en ai pas encore bu (oui, pas encore...), mais voici ce que Michael Jackson (le célèbre chasseur de bière, pas le chanteur) en dit : 
« C'est une bière sucrée, maltée, trouble, aux saveurs complexes. Il y a des notes de bananes et de pointes phénoliques similaires à celles que l'on pourrait trouver dans une bière de blé allemande, entremêlée de genévrier. Elle tire de 7 à 11 % d'alcool par volume ».
C'est une bière qui devrait se boire dans les semaines suivant le brassage et qui ne se conserve pas plus que 1 ou 2 mois.

Une dernière caractéristique de la bière crue : elle est généralement fermentée avec une levure à pain ordinaire au lieu d'une levure à bière.

Ça m'intrigue, pas vous?


Prochainement : comment brasser une bière crue 


Lexique français - anglais des termes pour pouvoir continuer vos recherches : 


Empâtage = mash
Soutirage = sparge
Ébullition = boil
Moût = wort
Levure = yeast
Bière crue = raw ale


Quelques références en ligne : 




Bibliographie : 

 


  • Termes français : Et la bière fut!, Sylvain Beauchamp, Édition Berger, 2012
  • Historique et théorie : The Oxford companion to beer, Collectif d'auteurs, Oxford university press, 2012