mardi 5 janvier 2016

Si la bière m'était contée - 1 : la découverte de la bière.

L'histoire de la bière se déroule sur plus de 10 000 ans et est fascinante. Alors, pourquoi ne pas la raconter comme si on y était, plutôt que par un long récit académique? C'est l'exercice que je vais tenter, en épisodes. Aujourd'hui : la découverte de la bière par la femme de Raoul.


Le peuple de Rrawaoulh! (ou Raoul pour les amis)


C'était il y a 12 000 ans, quelque part au Moyen-Orient. Raoul et sa tribu, une trentaine de personnes au plus, parcouraient les plaines à la recherche de proies pour se nourrir et d'eau pour se rafraîchir. L'homme n'était à ce moment qu'une bête douée du sens de l'esthétisme (ave
c un penchant marqué pour le cuir, la fourrure et les petits dessins sur les parois des grottes) et d'une certaine aisance avec les outils (qu'il fabriquait essentiellement avec du bois et de la pierre).

N'ayant pas encore inventé les fondations, il ne pouvait vraiment y bâtir sa maison. Il changeait donc de région au fil des saisons de chasse ou de cueillette.

Le rituel quotidien ressemblait à celui-ci : Raoul se levait, prenait un espresso en lisant le journal, puis lançait son cri de ralliement à l'intention des hommes («C'monnlèGhaaaa»). Sous prétexte de partir à la chasse, il partait jouer à qui-pisse-le-plus-loin et qui trouve un animal mort pour le souper (au pire, on en tuera un sur le chemin du retour).

Durant ce temps, au camp de fortune, les femmes s'occupaient des petits, partaient à la cueillette des fleurs des champs (et de la nourriture sauvage : des légumes, des fruits, de ces petits trucs qui ressemble à de l'herbe haute, mais dont les noix sont plutôt sucrés : les grains d'orge et de blé). On passait le temps en s'épouillant et en se racontant les derniers potins (t'as vu cette trainée du camp voisin? Une fourrure aussi courte, non, mais faut-il être une p...).


2 pluies et un miracle


Un jour où le clan s'est installé pas loin d'une grotte, où les hommes sont partis à la chasse, où les femmes se reposent parce qu'elles ont amassé des tonnes de petites noix sucrées qu'elles ont rangées dans des cruches (petites noix qu'elles appellent déjà du blé et de l'orge et que je vais aussi appeler ainsi parce que c'est plus pratique pour l'histoire et le narrateur).

L'orge et le blé sont là, dehors, quand éclate un orage. Les femmes se précipitent à l'intérieur de la grotte (ma coiffure!) et regardent, désolées, les cruches d'argile laissée dehors. La pluie ne s'arrête que le lendemain.

Les hommes n'étant pas rentrés de la chasse à cause des intempéries, les femmes décident de tenter de rattraper la gaffe de la veille. Dès le petit matin, elles vident les cruches, étendent l'orge et le blé au soleil pour le faire sécher.

Le deuxième soir, les hommes ne sont toujours pas rentrés, mais le grain est de nouveau en pot. Il a germé, mais ce n’est pas si grave que ça, parce qu'il a séché et que pour y avoir goûté, la femme de Raoul trouve que le goût est même plus agréable, plus sucré (la femme de Raoul et sa tribu viennent d'inventer le processus du maltage, ce n’est pas rien).

Comble du malheur, les cruches sont toujours dehors et il se remet à pleuvoir. Ne voulant pas recommencer tout ça, après de longues délibérations (et un tirage à la courte paille), la soeur de Raoul brave le déluge et rentre les cruches au chaud. Malheureusement, les cruches sont déjà pleines d'eau. Exténuées, découragées, les femmes décident de laisser ça là dans un coin. On verra bien plus tard.
Et puis, les hommes ne sont toujours pas là.

Deux jours plus tard, un lundi, lorsqu'ils rentrent, ils se massent autour du feu et racontent leurs péripéties. À les entendre, ils ont affronté des lions, des amazones, des gazelles, des fourmis grosses comme le poing. Raconter tout ça en grognant des syllabes qui ne font pas vraiment de sens donne soif. Voyant un pot rempli d'eau dans un coin, Raoul s'en empare et en prend une grande lampée.

Oh joie! Oh bonheur! Que c'est bon! C'est rafraîchissant, c'est sucré et il y a de petites bulles. La cruche passe de main en main, puis une deuxième, puis une troisième. La femme de Raoul n'ose pas dire qu'elle a fait une erreur, alors elle raconte qu'en attendant son homme elle a concocté une petite surprise. Après tout, voilà trois ans qu'ils sont ensemble!

Note du narrateur : elle lui ment, il s'agit d'une fermentation spontanée. C'est peut-être la première bière, mais elle n'a pas fait exprès.

Ce soir-là, Raoul s'endort paisiblement et tient éveillé toute la grotte en ronflant abondamment.

Raoul a mal à la tête et prend un jour de repos


Le soleil est levé depuis bien longtemps quand Raoul se réveille tant bien que mal. Les hommes sont pas mal tous dans le même état. Alors que la veille la bière a été inventée, il vient d'inventer le lendemain de veille (c'est beaucoup d'inventions marquantes en moins de 24 heures!).

Prétextant que la grotte est confortable, il propose de prendre un jour de repos. Tous les hommes sont d'accord avec ça. Les femmes, un peu moins. La femme de Raoul lui lance donc : si on est pour rester ici, j'aimerais bien qu'on améliore un peu l'intérieur. Puisque tu es là, est-ce que tu pourrais me fabriquer une table? Et tu crois qu'on pourrait installer un rideau devant la porte pour couper les courants d'air? Et tu trouveras un moyen qu'on puisse charrier tout ça lors de nos prochains déplacements.

Raoul, en partie parce qu'il veut arrêter ce flot de parole, accepte le tout à une condition, qu'elle refasse de cette eau magique qui fait ramollir la volonté. Elle lui dit ok, mais ça va prendre de l'orge et du blé, qu'il faudra planter et attendre qu'il pousse.

Et c'est ainsi que la femme inventa la bière et que l'homme devint sédentaire pour pouvoir boire avec ses potes à la maison (c'est aussi les débuts de la décoration intérieure, mais c'est une autre histoire).

*Les noms et les lieux ont été changés afin de préserver l'anonymat de ces héros. Notez qu'il s'agit d'une théorie seulement et qu'il y en a d'autres pour expliquer la création de la bière et le début de la sédentarité, mais que je préfère la mienne.

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