Je suis du genre curieux. J'aime savoir comment sont faites
les choses et surtout : est-ce que je serais capable de le faire? J'aime aussi
comprendre les subtilités des mécanismes qui rendent les choses possibles. Pas
besoin d'être biochimiste pour apprécier la fermentation, mais comprendre
quelque notion de science ne fait pas de tort dans la perfection de cette étape
cruciale. Proof, The science of booze est
le livre parfait pour le petit débrouillard qui se cache encore dans mon cœur.
Un peu de science ne peut pas faire de mal
Il est (relativement) facile de suivre un protocole : fait
ci de cette façon, fait ça à telle température durant tant de temps, transfère
dans ces conditions, fait attention à ceci ou cela. S'intéresser aux raisons
qui justifient ces étapes mène à davantage de contrôle de celles-ci et ouvre la
voie à l'expérimentation. C'est pourquoi ce livre m'a tant fait plaisir.
Je connaissais déjà beaucoup de ces aspects scientifiques (à
force de lire des livres sur la fermentation, j'ai appris quelques trucs ici et
là), mais ils sont présentés - pour une
fois - de façon humaine à l'aide d'exemple, d'anecdotes et de mise en contexte
finement ciselées.
Est-ce que je suis un meilleur brasseur après avoir lu ce
livre? Non. Je l'avoue. La théorie propre à la fabrication de la bière n'est
pas du niveau que je recherche. Par contre, j'ai acheté mon premier baril pour
le conditionnement de bière après avoir lu le chapitre portant sur le
conditionnement de l'alcool ("aging"). Je comprends mieux les
mécanismes de vieillissement en barrique. Aussi, je me suis lancé dans une
vaste quête sur les enzymes, ce qui n'est pas un sujet banal.
8 sujets qui nous touchent tous (ou presque)
Pas besoin d'être brasseur pour apprécier ce livre, au
contraire. L'amoureux des alcools vivra sans doute une expérience plus complète
que celui qui met l'accent sur un sujet seulement. L'approche choisie par
l'auteur (ou son éditeur?) est une approche chronologique : levure, sucre,
fermentation, distillation, vieillissement (ou conditionnement), odeur et goût,
corps et cerveau, gueule de bois. Le cycle de vie de l'alcool en quelque sorte.
La distillation, bien sûr, reste un sujet totalement
théorique pour le commun des mortels, puisqu'il n'est pas légal (dans l'immense
majorité du monde) de distiller chez soi.
Levure
Je n'ai pas appris grand-chose dans ce chapitre, mais je
rêve maintenant de visiter le tap room de
WhiteLabs. Imaginez : 26 bières où le seul ingrédient qui diffère est la levure...
Sinon, beaucoup d'historique, un peu de théorie de biochimie.
Sucre
Très, très intéressant. Surtout les passages concernant ce
japonais qui a voulu révolutionner le monde du brassage en commercialisant un
enzyme qui permettait non seulement de sauter l'étape du maltage, mais aussi
celle de l'empâtage.
Fermentation
Encore une fois, pas grand-chose qui n'a pas été couvert
dans le moindre manuel de brassage amateur. Par contre, pour celui qui n'en a
pas lu trente (on n'est pas tous bizarres comme moi), c'est assez complet et
simple à comprendre.
Distillation
Tout l'aspect des impacts de la moindre différence dans le
processus (ingrédients, techniques et équipements) est assez fascinant. C'est
un fait relativement bien connu des brasseurs (amateurs et professionnels),
mais qui est illustré d'histoire de compagnies qui ont goûté aux aspects de
cette différence et en ont payé le prix fort.
Vieillissement (conditionnement)
Mon chapitre préféré. J'ai adoré la théorie du
vieillissement en fut, le fil conducteur du champignon bouffeur de part des
anges, la différence entre le petit et le gros fut. C'est complet et c'est
surtout un sujet peu représenté dans la littérature spécialisée.
Odeur et goût
Je veux mettre quelque chose au clair ici : si on brasse, si
on boit, c'est d'abord parce que c'est agréable. C'est bon, ça sent bon, ça
fait du bien où ça passe. Ce chapitre décompose les expériences olfactive et
gustative, tant au niveau humain qu'au niveau chimique.
Corps et cerveau
On le sait, l'alcool a un effet. On l'aime aussi pour ça.
Pas toujours, mais parfois (souvent?). Ça délit les langues, ça provoque les
passions, ça rend con et ce genre de choses.
Gueule de bois
Existe-t-il des gens immunisés? Oui. Moi et mon frère. C'est
une question génétique. On n'est pas tout seuls, 23% de la population est
immunisée aux pires effets de la consommation d'alcool. Mais pourquoi? Peut-on
l'éviter? Qu'est-ce qui se cache derrière le lendemain de veille? C'est quoi
les trucs miracles pour être mieux ou boire davantage?
Ne soyez pas jaloux : je suis immunisé aux syndromes les plus difficiles de la gueule de bois, mais reste que le manque de sommeil, le manque d'alimentation et les autres conditions sous-jacentes de la consommation excessive me rattrapent aussi. Je me suis aussi demandé, un jour, il y a longtemps, qui était la personne à mes côtés au petit matin
C'est une lecture légère dans son genre. C'est une lecture
académique dans son genre. Adam Rogers (l'auteur) a littéralement parcouru le
monde pour l'écrire et ça parait. Ce livre a apparu dans la fameuse liste des
bestsellers du New York Times, a été nommé meilleur livre scientifique par
Amazon, Wired, the Guardian et NBC. Il a gagné des prix, il a été lu par des
milliers (millions?) de gens et apprécié par un peu moins que ça (y'a toujours
des insatisfaits).
Ce n'est pas un livre pour les initiés, sans pour autant
être un livre facile. C'est un livre qui demande parfois de porter un peu plus
attention, de faire quelque recherche par soi-même pour approfondir ses
connaissances, mais c'est aussi un livre qui offre une vision attrayante de la
science derrière la production d'alcool.
Est-ce que je le conseille? Oui.
Et vous pouvez
vous le procurer en ligne ici pour seulement 16.03$ (au lieu de 20.95$ en
magasin), en anglais seulement
Proof: The science of booze, Adam Rogers, Mariner, 2015
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