jeudi 14 avril 2016

Êtes-vous un brasseur curieux?


Je suis du genre curieux. J'aime savoir comment sont faites les choses et surtout : est-ce que je serais capable de le faire? J'aime aussi comprendre les subtilités des mécanismes qui rendent les choses possibles. Pas besoin d'être biochimiste pour apprécier la fermentation, mais comprendre quelque notion de science ne fait pas de tort dans la perfection de cette étape cruciale. Proof, The science of booze est le livre parfait pour le petit débrouillard qui se cache encore dans mon cœur.


Un peu de science ne peut pas faire de mal


Il est (relativement) facile de suivre un protocole : fait ci de cette façon, fait ça à telle température durant tant de temps, transfère dans ces conditions, fait attention à ceci ou cela. S'intéresser aux raisons qui justifient ces étapes mène à davantage de contrôle de celles-ci et ouvre la voie à l'expérimentation. C'est pourquoi ce livre m'a tant fait plaisir.

Je connaissais déjà beaucoup de ces aspects scientifiques (à force de lire des livres sur la fermentation, j'ai appris quelques trucs ici et là), mais ils sont présentés -  pour une fois - de façon humaine à l'aide d'exemple, d'anecdotes et de mise en contexte finement ciselées.

Est-ce que je suis un meilleur brasseur après avoir lu ce livre? Non. Je l'avoue. La théorie propre à la fabrication de la bière n'est pas du niveau que je recherche. Par contre, j'ai acheté mon premier baril pour le conditionnement de bière après avoir lu le chapitre portant sur le conditionnement de l'alcool ("aging"). Je comprends mieux les mécanismes de vieillissement en barrique. Aussi, je me suis lancé dans une vaste quête sur les enzymes, ce qui n'est pas un sujet banal.

8 sujets qui nous touchent tous (ou presque)


Pas besoin d'être brasseur pour apprécier ce livre, au contraire. L'amoureux des alcools vivra sans doute une expérience plus complète que celui qui met l'accent sur un sujet seulement. L'approche choisie par l'auteur (ou son éditeur?) est une approche chronologique : levure, sucre, fermentation, distillation, vieillissement (ou conditionnement), odeur et goût, corps et cerveau, gueule de bois. Le cycle de vie de l'alcool en quelque sorte.

La distillation, bien sûr, reste un sujet totalement théorique pour le commun des mortels, puisqu'il n'est pas légal (dans l'immense majorité du monde) de distiller chez soi.

Levure

Je n'ai pas appris grand-chose dans ce chapitre, mais je rêve maintenant de visiter le tap room de WhiteLabs. Imaginez : 26 bières où le seul ingrédient qui diffère est la levure... Sinon, beaucoup d'historique, un peu de théorie de biochimie.

Sucre

Très, très intéressant. Surtout les passages concernant ce japonais qui a voulu révolutionner le monde du brassage en commercialisant un enzyme qui permettait non seulement de sauter l'étape du maltage, mais aussi celle de l'empâtage.

Fermentation

Encore une fois, pas grand-chose qui n'a pas été couvert dans le moindre manuel de brassage amateur. Par contre, pour celui qui n'en a pas lu trente (on n'est pas tous bizarres comme moi), c'est assez complet et simple à comprendre.

Distillation

Tout l'aspect des impacts de la moindre différence dans le processus (ingrédients, techniques et équipements) est assez fascinant. C'est un fait relativement bien connu des brasseurs (amateurs et professionnels), mais qui est illustré d'histoire de compagnies qui ont goûté aux aspects de cette différence et en ont payé le prix fort.

Vieillissement (conditionnement)

Mon chapitre préféré. J'ai adoré la théorie du vieillissement en fut, le fil conducteur du champignon bouffeur de part des anges, la différence entre le petit et le gros fut. C'est complet et c'est surtout un sujet peu représenté dans la littérature spécialisée.

Odeur et goût

Je veux mettre quelque chose au clair ici : si on brasse, si on boit, c'est d'abord parce que c'est agréable. C'est bon, ça sent bon, ça fait du bien où ça passe. Ce chapitre décompose les expériences olfactive et gustative, tant au niveau humain qu'au niveau chimique.

Corps et cerveau

On le sait, l'alcool a un effet. On l'aime aussi pour ça. Pas toujours, mais parfois (souvent?). Ça délit les langues, ça provoque les passions, ça rend con et ce genre de choses.

Gueule de bois

Existe-t-il des gens immunisés? Oui. Moi et mon frère. C'est une question génétique. On n'est pas tout seuls, 23% de la population est immunisée aux pires effets de la consommation d'alcool. Mais pourquoi? Peut-on l'éviter? Qu'est-ce qui se cache derrière le lendemain de veille? C'est quoi les trucs miracles pour être mieux ou boire davantage?

Ne soyez pas jaloux : je suis immunisé aux syndromes les plus difficiles de la gueule de bois, mais reste que le manque de sommeil, le manque d'alimentation et les autres conditions sous-jacentes de la consommation excessive me rattrapent aussi. Je me suis aussi demandé, un jour, il y a longtemps, qui était la personne à mes côtés au petit matin

C'est une lecture légère dans son genre. C'est une lecture académique dans son genre. Adam Rogers (l'auteur) a littéralement parcouru le monde pour l'écrire et ça parait. Ce livre a apparu dans la fameuse liste des bestsellers du New York Times, a été nommé meilleur livre scientifique par Amazon, Wired, the Guardian et NBC. Il a gagné des prix, il a été lu par des milliers (millions?) de gens et apprécié par un peu moins que ça (y'a toujours des insatisfaits).

Ce n'est pas un livre pour les initiés, sans pour autant être un livre facile. C'est un livre qui demande parfois de porter un peu plus attention, de faire quelque recherche par soi-même pour approfondir ses connaissances, mais c'est aussi un livre qui offre une vision attrayante de la science derrière la production d'alcool.

Est-ce que je le conseille? Oui.

Et vous pouvez vous le procurer en ligne ici pour seulement 16.03$ (au lieu de 20.95$ en magasin), en anglais seulement


Proof: The science of booze, Adam Rogers, Mariner, 2015

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